Erreur de La Poste : comment un redressement fiscal de 335 000 euros a été annulé par la justice ?
Et si une simple erreur de la Poste pouvait bouleverser votre vie fiscale ? C’est exactement ce qui est arrivé à M. et Mme A... Dans leur affaire jugée par la cour administrative d’appel de Paris, le couple s’est retrouvé face à un redressement fiscal de 335 254 euros… sans même avoir eu connaissance à temps de la procédure engagée contre eux. En cause : un courrier recommandé de l’administration fiscale mal acheminé par la Poste, qui n’est jamais arrivé à destination. Résultat, le couple n’a pas pu répondre dans les délais, et la machine administrative s’est emballée.

Une notification de redressement fiscal qui n’arrive pas à destination
Car en décembre 2018, M. et Mme A., résidents parisiens, font face à une situation administrative inattendue. L’administration fiscale leur adresse le 17 décembre 2018 une proposition de redressement fiscal portant sur l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux de l’année 2015, pour un montant total de 335 254 euros. Mais au lieu d’arriver dans leur boîte aux lettres, le courrier est retourné à l’expéditeur avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».
Pourquoi ? Parce que M. et Mme A., bien qu’ayant leur résidence principale à Paris, avaient pris soin de demander à La Poste la réexpédition temporaire de leur courrier vers leur adresse en Israël pour la période du 5 décembre 2018 au 19 janvier 2019. La Poste, reconnaissant un dysfonctionnement dans l’exécution de ce contrat, n’a pas assuré la bonne transmission du pli.
L’administration fiscale revoit un courrier, la prescription tombe
L’administration fiscale tente alors un second envoi à l’adresse parisienne, pris en charge le 21 décembre 2018. Mais ce courrier n’est expédié vers Israël que le 31 décembre 2018, soit le dernier jour du délai de reprise de l’administration pour l’année 2015, qui expirait précisément ce 31 décembre 2018. Aucune preuve ne permet d’établir que le pli aurait été présenté ou avisé à Paris avant cette date, et selon le contrat de réexpédition, aucun courrier n’aurait dû être présenté à Paris pendant cette période.
Résultat : la notification de la proposition de redressement fiscal n’a pu être effectivement réalisée avant l’expiration du délai de prescription. Même si le courrier est finalement arrivé en Israël en janvier 2019, il était trop tard : la prescription était acquise.
La justice administrative donne raison aux contribuables
Après avoir été déboutés par le tribunal administratif de Paris le 3 janvier 2023, M. et Mme A. font appel devant la cour administrative d’appel de Paris. Ils soutiennent que, faute de notification régulière de la proposition de redressement fiscal avant le 31 décembre 2018, le délai de reprise n’a pas été interrompu et que les impositions supplémentaires sont donc prescrites.
La cour leur donne raison : elle constate que les époux avaient accompli toutes les démarches nécessaires pour que leur courrier soit réexpédié à leur adresse temporaire en Israël et que les dysfonctionnements de La Poste ne sauraient leur être opposés. En conséquence, la prescription était acquise au 31 décembre 2018, et l’administration ne pouvait plus légalement leur réclamer les sommes en litige.
Le 15 novembre 2024, la CAA de Paris a annulé le jugement de première instance et prononce la décharge totale des impositions supplémentaires et pénalités réclamées à M. et Mme A. pour 2015. L’État est même condamné à leur verser 500 euros au titre des frais de justice.